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  • On ne censure pas Harvard

    And one thing more was a constant : the rallying cry of jihad.

    Between 1894 and 1924, three waves of violence swept across Anatolia, targeting the region’s Christian minorities, who had previously accounted for 20 percent of the population.

    By 1924, the Armenians, Assyrians, and Greeks had been reduced to 2 percent. Most historians have treated these waves as distinct, isolated events, and successive Turkish governments presented them as an unfortunate sequence of accidents. 

    • The Thirty-Year Genocide is the first account to show that the three were actually part of a single, continuing, and intentional effort to wipe out Anatolia’s Christian population.

    A reappraisal of the giant massacres perpetrated by the Ottoman Empire, and then the Turkish Republic, against their Christian minorities.

    Turkey’s Destruction of Its Christian Minorities 1894 – 1924

    Revelatory and impeccably researched, Benny Morris and Dror Ze’evi’s account is certain to transform how we see one of modern history’s most horrific events. Harvard University Press, publication : April 2019 ——— ISBN 9780674916456

  • Trois siècles de colonialisme en Algérie

    Quelques vérités sur trois siècles de colonialisme turc en Algérie, par Hamdane Ammar, 26 décembre 2011

    Jusqu'en 1972, la Turquie refusa de reconnaitre l'indépendance de l'Algérie qu'elle considérait encore comme sa province lointaine qu'elle avait vendue à la France en 1830 et pensait encore la récupérer.

    Au lieu de s’en prendre à la France, Mr Erdogan devrait ouvrir les pages sombres de l’histoire de l’empire ottoman dont il est l’héritier et il s’apercevrait qu’il y a énormément de choses à ne pas dire et encore moins à entendre. Et quand il convoque la colonisation de la France en Algérie pour se défendre contre la loi votée par l’assemblée française concernant le génocide arménien, il est mal inspiré et il a un trou de mémoire, il est dans un trou d’air. Avant tout, il doit balayer devant sa porte avant d’évoquer ce sujet à moins qu’il veuille dire: l’ennemi de mon ennemi est à mon ami et attirer ainsi la sympathie des algériens.

    Alors parlons un peu de la présence turque en Algérie afin de rafraîchir la mémoire du premier ministre de la Turquie Moderne.
    En s’emparant d’Alger en 1530 après avoir chassé les Espagnols du Pénon, le corsaire turque Aroudj surnommé Barberousse, fit étrangler Salim Toumi des Beni Mézghana (prince d’Alger) avant d’épouser sa femme Salima. Par ce geste de terreur, il voulut marquer les esprits des habitants d’Alger qui avaient refusé dans un premier temps sa présence en s’alliant à la dynastie Berbère des Hafsides qui l’avait combattu durement.
    Il y instaura alors un régime de répression inouïe pour les punir.

    Dès la prise d’Alger par les pirates Ottomans jusqu’à leur départ forcé en 1830, tous les deys qui s’étaient succédés à la régence étaient tous sans exception des janissaires (pirates) d’importation venus d’Albanie, de Venise, de Bosnie, de Crête, du Caucase mais aucun d’eux ne fut un autochtone. Et pourtant, jusqu’à preuve du contraire les Berbères étaient et restent en majorité musulmans.

    Les Turcs avaient institué un apartheid en Algérie. Au sommet de la hiérarchie sociale se trouvaient les janissaires ottomans, puis les Koulouglis ( issus des mariages entre les turcs et les algériennes) les Chrétiens, les Juifs puis au bas de l’échelle pataugeaient les algériens de souche.
    A la tombée de la nuit, les autochtones étaient chassés de la Casbah d’Alger et seules les femmes y étaient tolérées pour assouvir l’ardeur sexuelle des janissaires.

    Chaque année partaient d’Alger vers la Porte Sublime( Istambul) des bateaux, les cales pleines d’or et de marchandises ainsi que des esclaves berbères sexuelles, la plus âgée ne dépassait guère les dix huit ans. C’étaient des cadeaux d’allégeance au Calife Ottoman.
    Pour montrer la cruauté et la haine que nourrissaient les ottomans à l’égard des Algériens, un Bey (gouverneur) de Constantine du nom de Chaker au XVIII siècle exigea de ses subordonnés que chaque matin quand il sortait de son palais, il devait voir sur son passage au moins une vingtaine de têtes d’hommes plantés sur des piquets. On racontait qu’il entrait en transe en apercevant un tel spectacle. Il murmurait alors : » c’est tout ce qu’ils méritent ».

    Une autre histoire qui reste encore vivace dans l’esprit de nombreux Kabyles pour édulcorer la barbarie que pratiquait les Turcs dans la régence d’Alger. Un jour un commandant de janissaire qui devait récolter les impôts, s’arrêta auprès d’un chef de mechta de Kabylie. Ce dernier végétait dans l’indigence; il égorgea alors l’unique poulet de ferme qu’il possédait pour faire honneur à son invité de marque.

    Ce chef de tribu avait un garçon qui était âgé à peine de cinq, se mit pleurer en voyant le poulet. Sa mère lui donna une cuisse pour le calmer. Et lorsque il présenta le plat de couscous avec le poulet, le commandant des janissaires constata qu’il manquait une cuisse. Il entra dans une terrible colère et demanda où était passée sa « cuisse ».

    Le pauvre chef de tribu bafouilla quelques instants en tremblant de peur puis finit par avouer la vérité.
    Le commandant turc exigea qu’on lui ramène sur le champ le garçon et avec rage, il l’écartela en criant : » C’est ainsi que je tue celui qui me désobéit. »…
    Hussein Dey, le dernier gouverneur d’Alger, en signant la reddition déclara: » Je n’ai que faire de ces vauriens d’Algériens, qu’ils aillent au diable » avant de s’embarquer pour Gênes. Mais il n’omit pas de garantir la sécurité des biens des Ottomans auprès des nouveaux maîtres d’Alger. Drôle d’esprit pour un chef musulman… Et au lieu de combattre, il préféra s’occuper du mariage de sa fille et laisser les soldats du maréchal de Bourmont prendre Alger sans tirer un coup de feu.

    Mr Erdogan oublie peut-être qu’en 1827, les chefs de tribus berbères s’étaient réunis dans un village à l’est d’Alger pour demander par écrit au roi de France Louis Philippe de venir les délivrer de la tyrannie des janissaires turcs et que c’étaient ses ancêtres qui avaient permis la colonisation de l’Algérie par la France à cause de leur lâcheté et surtout de leur cruauté…
    Mr Erdogan est amnésique, car jusqu’en 1972, la Turquie refusa de reconnaître l’indépendance de l’Algérie qu’elle considérait encore comme sa province lointaine qu’elle avait vendue à la France en 1830 et pensait encore la récupérer.
    Je ne doute pas que Mr Erdogan nourrit l’ambition de restaurer le Califat Ottoman et c’est pour cette unique raison qu’il s’est emparé de la colonisation de la France en Algérie et se placer ainsi en sauveur du monde arabo-islamique qui est en proie à son fameux printemps arabe. A vrai dire, il fait de la gesticulation pour noyer le poisson dans l’eau…
    J’espère que les historiens algériens s’emparent de la colonisation ottomane en Algérie qui avait duré trois siècles sans aucune réalisation digne d’être citée et surtout qu’ils ne soient pas atteint par la fraternité et l’amnésie islamiques pour mettre à nu la présence janissaire dans leur pays qui fut terrible…

     Quant aux députés français, ils seraient mieux inspirés de trouver les solutions pour endiguer l’islamisation de la France.

    Le génocide arménien doit être traité au niveau mondial pour contraindre la Turquie à le reconnaître officiellement et engager ainsi sa responsabilité et sans oublier au passage les autres peuples qui avaient subi le même sort, ceux qui n’ont pas de porte-parole tels les Tizganes.
    Les voix des franco-turques qui criaient le rejet de la France sous les fenêtres du palais de l’Assemblée, devraient faire réfléchir les représentants de la nation à revoir le code de la nationalité qui doit se mériter. Car aller à la pêche des voix des électeurs en faisant de la politique politicienne, ce n’est pas servir la France. par Hamdane Ammar

    — Article publié le 25 décembre 2018 sur Facebook, censuré le 26 —

    Hamdane Ammar, Turquie, Algérie, censure facebook,

    hamdane ammar,turquie,algérie,censure facebook

     censuré le 21 novembre 2018

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  • Helen Levitt

    J'ai commencé à travailler dans les quartiers pauvres parce que les gens vivaient dans les rues. Dans les quartiers riches, ils s'enferment dans les étages, et dans les quartiers d'affaires, ils courent trop vite. Je n'avais pas de relation avec les gens, je restais à distance et m'évanouissais dès que la photo était prise. Helen Levitt

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    photo 27 octobre 2016 à Campredon Centre d'Art

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    3 novembre 2012, journal de l'auteur

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  • Marco Biagini

    Marco Biagini High visibility burqa Outside performance Biennale di Venezia 2015

    "High visibility burqa" Outside performance, Biennale di Venezia

    Marco Biagini

    The Woman in the Neon Niqab, by Noah Feldman, 10 mai 2015

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  • La crise financière en Europe STOPPÉE en 2012 !

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    "Mario Draghi, cet été, a changé la donne"

    in Investir, LE JOURNAL DES FINANCES

    saint-tropez

    Saint-Tropez, 07 janvier 2013 © -IP. 

  • Laurus nobilis

    Laurier  noble

    7 novembre 2018

    Cet arbuste toujours vert est associé à Apollon, il est le symbole de gloire et de victoire. En Grèce, les prêtresses mâchaient des feuilles de laurier pour prophétiser. La fumée dégagée de ces feuilles permettait d'avoir des visions et de faire des voyages hors du corps. En Andalousie, on jetait sur des braises des feuilles, des baies et du bois de laurier, et en observant les étincelles, le crépitement et la fumée qui s'en dégageait, on pouvait prédire l'avenir.

    Le pouvoir secret des plantes et autres secrets de sorcières
    in Les petits cahiers de Larousse
    Éditeur de qualité depuis 1852
    ISBN 978-2-03-594642-3
    p. 39

  • Mytilène

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    Mytilène est dès l'Antiquité la principale cité de Lesbos. Elle est peuplée d'Éoliens venus de Thessalie et de Béotie. Avant la fin du VIIIème siècle avant Jésus-Christ, elle participe activement à la colonisation grecque, en particulier vers la Troade, l'Hellespont et la Thrace ; elle envoie également des colons à Naucratis. Elle est dominée par deux genoi (clans) aristocratiques, les Penthilides, des Atrides descendants du légendaire roi Penthilos, fils d'Oreste, et les Cléanactides. Au VIIème siècle av. J.-C., elle est gouvernée par Mélanchros, qui finit assassiné, puis par Myrsilos qui place les autres cités de l'île (Pyrrha, Antissa et Érésos) sous son autorité, sauf Méthymne.

    Au début du VIe siècle avant J.-C., Pittacos, l'un des Sept Sages, est appelé pour gouverner sa cité natale comme aisymnète. Ville natale d'Alcée, elle est alors l'un des centres majeurs de la poésie lyrique.

  • 16 septembre 2018

    Café L'Ocrier,

    à L'Ocrier, Roussillon le 16 septembre 2018 © -IP.

     

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  • La Saison

    Coustellet, mi-caustique mi en état de choc post-traumatique après avoir vu déambuler une touriste à moitié à poil par 22° le 28 avril 2018 sous une tunique plage /piscine blanche à motifs coraux ras le popotin exposant ses placards cellulitiques au nez des riverains goguenards ! Rapide tour à L'Isle-sur-la Sorgue, la ville est au bord du bad-trip. Je ne sais pas qui les journalistes locaux vont sonder pour des papiers dithyrambiques après le passage de Stéphane BERN à Roussillon, mais la population - même celle qui a quelque chose à vendre - est unanime : trop c'est trop. Il ne manque que l'arrivée des Porsche, Ferrari, Lamborghini, Maserati, à 40 km/h au cul des camping-cars. Il y a des jours où on envie la mesure salutaire de Salins-de-Giraud pour fermer le dépotoir à ciel ouvert qu'était la plage de Piémanson, où on m'avait demandé : Mais pourquoi tu photographies "ça" ?

    Parce que je suis là. 

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    Plage de Piémanson 30 août 2014 © -IP.

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    "A la pointe de la Camargue, ils sont des centaines chaque été à jouir d'une nature restée sauvage." 

    Maria et Bibi sur leur terrasse perso, mais c'est juré: tout sera démonté à l'automne. Maria et Bibi sur leur terrasse perso, mais c'est juré: tout sera démonté à l'automne. (photo Alvaro Canovas)
     
    À la pointe de la Camargue, ils sont des centaines chaque été à jouir d'une nature restée sauvage. Aujourd'hui, ce petit eldorado est menacé.
     
    Marie a un œil tatoué sur la nuque : «Si tu racontes quelque chose dans mon dos, dit-elle en souriant, je le saurai…» La Marseillaise a de la vigueur, du bagout et un accent qui chante : «Trente  ans que je viens ici ! J’ai vendu le pain pendant dix-huit  ans, mes gosses sont presque nés dans les dunes, mes petits-enfants y ont appris à marcher… Et ils s’imaginent détruire notre “maison de la mer” de Piémanson ? Ils rêvent !» Cette plage à la pointe de la Camargue est «esquichée» – comme on dit ici – entre la mer, les étangs du parc naturel régional et les bras du Rhône. Si le camping sauvage y est toléré du 1er mai au 30 septembre, ce petit passe-droit est sans cesse remis en question. Cent  fois le site a failli être interdit aux «squatteurs». Mais ils ne se laissent pas faire, résistants pugnaces et pacifiques à un Etat et à une société qu’ils jugent trop policés.
     
    Pour rejoindre l’îlot des irréductibles, il faut emprunter une route qui longe des rizières, des roubines et des marais salants. Cul-de-sac : le bitume bute sur la plage. Au-delà, sur une langue de sable fin de 6  kilomètres, stationnent des centaines de caravanes, de camping-cars et de voitures. Aujourd’hui, la Méditerranée a des allures d’océan Indien, frisquette, houleuse, et ses vagues ont des franges d’écume baveuse. Des coquilles de tellines s’entassent sur le rivage. Pas grand-monde dans l’eau, d’un côté comme de l’autre. A gauche, il y a les naturistes ; à droite, les «textiles». Et au milieu, des visiteurs d’un jour, d’un week-end ou d’une semaine. Les habitués trouvent ces occasionnels bruyants et peu respectueux de leur éden. Bibi, lui, est un vieux de la vieille. Il s’est construit une cabane géante avec des caravanes et des morceaux de bois flotté. Elle se dresse, les pieds dans l’eau ou presque, à l’extrémité de la zone des «culs nus». De sa voix rauque, Bibi clame qu’il ne quittera son «radeau» à aucun prix : «Nulle part ailleurs on ne peut être aussi libre… Même avec tout l’or du monde !» Dans le civil, Bibi est patron de discothèque.
     
    La liberté, c’est le credo des quelques centaines de campeurs qui, comme lui, passent les cinq mois autorisés sur la plage. Un privilège que l’administration limite un peu plus chaque année : accès, durée, services, sous prétexte d’un désastre écologique. «Il y a des problèmes sanitaires, sécuritaires et environnementaux, dit Régis Vianet, directeur du parc naturel régional de Camargue. En bloquant le vent et en détruisant la végétation, les installations de campement et les activités motorisées perturbent le fonctionnement des sables, la vie des oiseaux, la dynamique des dunes. Celles-ci sont moins hautes, moins épaisses. Et la mer monte. Il y a aussi un problème de déchets et de saleté. On risque une destruction définitive du littoral actuel.» Les Robinson Crusoé contestent ces accusations. «Foutaises ! s’écrie l’un d’eux. Est-ce qu’ils vont interdire la chimie à Fos-sur-Mer ou virer les 100 000  estivants qui s’entassent sur les plages de La Grande-Motte, juste à côté d’ici ? Qui peut croire que nous polluons plus qu’eux avec nos WC chimiques ? C’est n’importe quoi !»
     
    Lucien est du même avis. Il est prêt à le jurer : «On vit en harmonie avec la nature, en symbiose. On limite l’eau qu’on puise au village, on utilise des panneaux solaires, des toilettes sèches. Tous les jours, on jette nos ordures dans les bennes, on ramasse les papiers. Sur les autres plages de la région, le soir, c’est dégueulasse. Pas ici.» Impossible de ne pas remarquer ce grand bonhomme de 61 ans. Silhouette épaisse et cheveux blancs emmêlés par les rafales du mistral. Toujours un sourire de gamin malicieux suspendu à ses lèvres gercées par le sel. Il est dans sa «véranda» en bois, écoute Claude Nougaro, raconte son arrivée il y a vingt  ans :  J’ai cru rêver, c’était un paradis sur terre.» Avec son épouse, Françoise, ils ne sont plus jamais repartis. Et résument en trois mots les clés de ce coup de foudre : tolérance, échange, partage. «Ni statut, ni charte, ni règlement. Encore moins de lois, de feux rouges ou de lignes blanches. Il n’y a pas de barrière sociale ! Médecins, chômeurs, ouvriers, retraités, on vit ensemble. Riches ou pas, on se respecte tous. On n’ennuie et on ne fait de mal à personne !»
     
    Marie-José, dite «Columbine», est la voisine de Lucien. C’est une petite dame pleine d’énergie, toujours de bonne humeur, peintre et poète amateur. Elle vient depuis quarante ans avec son mari, Jean-Marc, sympathique et farceur, surnommé «Columbo» du fait d’une ressemblance discutable avec le célèbre inspecteur de police. «On vient pour se baigner, s’amuser, décompresser, raconte Columbine. On oublie les soucis de la vie. Le cadre est idyllique, la solidarité entre nous, précieuse, et notre chambre, avec vue sur la mer, unique. C’est magique ! Pourquoi nous l’enlever ? Quelque part, ça nous appartient… même si, juridiquement, c’est faux. Ils vont prendre une partie de notre vie, nous arracher un peu le cœur.»
     
    Le crépuscule tombe dans d’incroyables orangés. L’air balayé par la tramontane, un vent froid sec et violent qui souffle depuis la terre vers le golfe du Lion, sent bon l’iode. En quelques minutes, c’est la nuit noire. Des milliers de diodes électroluminescentes multicolores illuminent la plage ; les campements ressemblent à des vaisseaux spatiaux. Tout est silence. Seul le vacarme des vagues brise ce calme. Apparent, car, à l’abri des terrasses en bois, on prépare l’apéro. Chez Juliette et Gérard, Sylvain et Lucie, Stéphane, qu’on appelle «Kéké», Céline et Christophe, Christian et Florence... les invitations ne manquent pas. Partout l’ambiance est chaleureuse, familiale et joviale. Les expressions marseillaises, difficiles à comprendre pour les non-initiés, et les éclats de rire fusent. Quelques-uns regrettent, nous disent-ils, l’époque où il y avait moins de monde et davantage de soirées dansantes. «La société a déteint sur nous. Aujourd’hui, c’est plus triste, la mentalité a changé.» D’autres sont inquiets. Bientôt, Piémanson ne sera plus. Quand disparaîtra-t-elle ? Personne ne peut le dire. En revanche, le futur projet est accepté depuis le 15  juillet.  Il s’agit d’interdire le camping pour libérer la plage, et construire, sur un des bassins adjacents, une aire de stationnement. Le flux des visiteurs ne diminuera pas, il sera différent, seulement journalier», nous révèle Régis Vianet.
     
    Bruno et Annie, tous deux très doux et calmes, campent depuis vingt  ans avec leur chienne, Abyss, et leur chatte, Léa. Ils n’imaginent pas quitter cet endroit où ils ont vu grandir leurs gosses et s’apaiser leurs maux. Sévère, Bruno est pourtant réaliste : «Ils peuvent faire ce qu’ils veulent, c’est la mer qui nous chassera, pas les hommes. Chaque année, elle grignote 5  mètres. Elle va noyer notre dune, mais, à elle, on ne lui en voudra pas. On nous menace, on nous annonce le pire… Peut-être qu’on ne sera plus là l’an prochain. C’est triste qu’un lieu aussi extraordinaire disparaisse du paysage français. Il nous reste peu de temps, alors profitons-en !»

    Les Robinsons de Piémanson, le 22 août 2014,  in Paris Match

    Paris Match Actu Société - ART DE VIVRE
    Les Robinsons de Piémanson
    Paris Match | Publié le 22/08/2014 à 11h31. Envoyée spéciale à Piémanson Emilie Blachère

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  • Femme qui parle

     

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    Mask-Totem réalisé à la Fondation Villa Datris pour la sculpture contemporaine

    Feuilles d'or et cuivre sur toile, laine, soie, lurex.

    40 cm x 40 cm X 4 cm

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  • CALYPSO by David Sedaris

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    David Sedaris returns with his most deeply personal and darkly hilarious book. If you’ve ever laughed your way through David Sedaris’s cheerfully misanthropic stories, you might think you know what you’re getting with Calypso.

    via The New Yorker

    https://soundcloud.com/hachetteaudio/calypso-by-david-sedaris

     

     

  • Les mots et les choses

    Qu’il s’agisse des luttes féministes, des luttes pour l’égalité raciale, des révoltes étudiantes ou encore de celles dénonçant la guerre, « les années 60 ont regorgé de politique et de révolution »[1]. Les artistes y ont pour beaucoup participé soit de manière directe soit depuis leur champ propre — l’art — en questionnant le rapport de l’œuvre à l’objet, à la marchandise et à l’institution. L’art conceptuel provient de cette nécessité de transgresser les frontières établies par l’institution et la critique pour inventer de nouveaux rapports à l’œuvre.
     
    C’est ainsi que les artistes inscrivent l’objet dans une relation de distance inédite et aboutissent à des pratiques où l’utilisation du langage comme vecteur de l’idée devient une condition essentielle, parfois même suffisante à l’existence de l’œuvre. « L’idée  devient une machine à fabriquer l’art », énonce Sol LeWitt en 1967.
    [1] Sol LeWitt, dans un entretien avec Saul Ostrow, Bomb Magazine, n°85, Automne 2003

    Diane Kruger

    Barbara Kruger, Who Do You Think You Are ? 1997

    collection lambert avignon

    à La collection Lambert, Avignon. Expositions temporaires à l'Hôtel de Montfaucon à partir du 5 juillet 2018

  • Usus, fructus et abusus

    Usus, fructus et abusus au sens de l’article 544 du Code Civil 

    La propriété intellectuelle dans tous ses états par Martin Kinossian, titulaire d'une maîtrise de droit International et européen de l'université Jean-Moulin Lyon III.

    Bastiat écrivait en 1840 que « La propriété de ce qu’on a produit par le travail, par l’exercice de ses facultés, est l’essence de la société. Antérieure aux lois, loin que les lois doivent la contrarier, elles n’ont guère d’autre objet au monde que de la garantir », et ce droit de propriété naturel et subjectif est attaché à la personne humaine.

    De nos jours, le droit de la propriété intellectuelle est constitué par l’ensemble des droits protégeant, par la reconnaissance d’un monopole temporaire d’exploitation, certaines créations nouvelles et certains signes distinctifs. Le droit de propriété intellectuelle est entendu comme un droit de propriété au sens de l’article 544 du Code Civil : usus (droit d’utiliser), fructus (droit d’en tirer les fruits) et abusus (droit d’en disposer).


    Propriété intellectuelle, le point de vue libertarien
    C’est un droit relativement moderne et neuf, si on le compare au droit de la famille, le droit patrimonial ou le droit commercial romain. Ce n’est pas un droit réel ou un droit de créance, il n’a pas de statut juridique, mais il existe. Sa construction dans une France longtemps agricole sera lente et laborieuse. Durant l’Antiquité, les créations artistiques et intellectuelles servent la société, sans toutefois bénéficier d’une reconnaissance juridique et d’un statut particulier. Chez les Grecs (technites) et les Romains (artifex) il n’existe pas de distinction entre artisan et artiste. Au Moyen-Âge, un peintre est un artisan et un employé, chargé par un maître d’ouvrage d’une tâche spécifique : il travaille à rénover des églises ou des statues sur commande. On distingue d’ailleurs « l’art mécanique » des « arts libéraux » comme la musique ou la grammaire.

    C’est peu à peu que l’artiste prend le pas sur l’artisan, notamment à l’époque de la Renaissance où papes, rois et bourgeois créent le statut d’artiste pour « magnifier par l’art les lieux de leur pouvoirs » comme l’exemple célèbre de François Ier. D’ailleurs selon Martin Warnke, l’autonomisation de la conscience artistique ne se trouve pas dans le cadre de la ville (qui génère des contraintes) mais à la Cour auprès des princes dès le XIIIe siècle.

    La création d’Académies d’artistes comme l’Académie française en 1635 est un moyen pour les artistes de s’opposer aux corporations qui délivrent des maîtrises durant l’Ancien Régime et de bénéficier de la reconnaissance officielle de l’État.

    C’est la fin de la confusion entre « artiste » et « artisan », qui mènera à la distinction entre droit de propriété littéraire et artistique et propriété industrielle. La loi du 19 et 24 juillet 1793 fonde la propriété industrielle avec l’apparition du brevet, de la marque, du dessin et du modèle de fabrique. La propriété intellectuelle porte donc sur des choses « corporelles » et « incorporelles ». Ce droit devient essentiel à la fin du XIXe siècle dans une période de rivalité économique entre nations où la France éprouve des difficultés à résister à la concurrence des autres pays industrialisés et traditionnellement commerçants. Néanmoins les lois issues de la Révolution française puis du XIXe siècle la reconnaissance du droit de la propriété industrielle à l’inventeur, pour des raisons d’intérêt général, et concentre de nombreuses critiques.

    LE BREVET, COROLLAIRE DU PROTECTIONNISME OU AU SERVICE DE L’INDIVIDUALISME ?

    Sièyes fut un des premiers opposants au droit de la propriété intellectuelle, qui entraverait la liberté et l’industrie. En outre, il affirmait que la propriété industrielle « ne donnait pas à l’homme le sens sacré d’être propriétaire ». Opposé à la doctrine qui tient le brevet comme moteur commercial et économique générateur de progrès parce que son exploitation permet de financer d’autres brevets et d’entretenir le processus, l’économiste Michel Chevalier ou le juriste Frédéric Malapert s’opposent à la propriété intellectuelle au XIXe siècle, pointant le risque de monopole. De même, le socialiste Proudhon ou le juriste Renouard n’y sont pas favorables. Longtemps, la propriété intellectuelle est perçue comme un corollaire du protectionnisme et un droit holiste (au service de la collectivité).

    La Convention de l’Union de Paris de 1883, objet de la première réflexion sur l’harmonisation sur les brevets est freinée par des revendications nationales et politiques. Le droit de la propriété intellectuelle peut-il être utilisé aux fins de stratégies nationales par l’interventionnisme de l’État ? La Chine se plaint régulièrement des droits de propriété intellectuelle qu’elle doit payer et qui seraient « équivalents à des droits de douane ».

    Selon Jérôme Passa, jamais un artiste ne trouve l’inspiration « exclusivement en ses ressources propres : chacun observe et s’inspire des travaux des autres, que ce soit dans le domaine artistique ou commercial ».En la matière, l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) offre la possibilité d’obtenir des informations sur les brevets déposés dans un secteur particulier. L’objectif de cette procédure est de favoriser le progrès, en favorisant les inventions de perfectionnement.

    Si on revient à la théorie de Locke sur la propriété, celle-ci découle essentiellement du travail de l’individu : c’est une extension de la personne, donc de ses pensées, donc de son produit intellectuel. La conception individualiste du droit de la propriété intellectuelle prend donc tout son sens, et donc on reconnaît à la propriété intellectuelle un caractère utilitaire. Il ne fait aucun doute que dans un système libéral, l’inventeur doit être protégé, au risque de décourager l’esprit d’entreprendre et de réduire comme une peau de chagrin la volonté humaine qui est la base de tout. Le droit de la propriété intellectuelle est donc le lien juridique artificiel entre l’inventeur et l’objet, et favorise l’esprit créatif.

    UN DROIT HYBRIDE À FINALITÉ ÉCONOMIQUE

    Le droit de la propriété littéraire et artistique reste aujourd’hui le moins critiqué : l’écrivain aurait une certaine noblesse, aurait le droit d’être riche grâce à son œuvre. Pourquoi ne pas avoir l’ambition balzacienne de faire fortune grâce à la littérature comme Modiano. En France, cela sera toujours mieux vu que le Père Goriot et son commerce de grains pendant la Révolution.

    La propriété industrielle est plus opaque, réservée au monde des affaires et l’ombre de l’État plane. C’est une question beaucoup plus politique. Elle peut être associée au domaine de la concurrence et être analysée sous le spectre d’un « droit de clientèle », comme le faisait le Doyen Roubier. Ce droit de clientèle crée une emprise originale, et il peut être un instrument de concurrence. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’un litige en propriété intellectuelle soit accompagné de griefs touchant à la concurrence déloyale et au parasitisme. Le droit de la propriété industrielle, avant toute chose conçu comme une récompense, devient un bouclier juridique.

    Les institutions internationales vont dès lors tenter d’harmoniser le droit de la propriété intellectuelle, avec la Convention de Paris de 1883 précitée qui inclut la France et la Belgique, le Brésil, l’Espagne, le Guatemala, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, le Salvador, la Serbie et la Suisse. Cette Convention vise la reconnaissance et le dépôt du droit industriel (brevets, marques, dessins et modèles de fabrique). Cette Convention institue les BIRPI (Bureaux Internationaux Réunis pour la Protection de la Propriété́ Intellectuelle) qui deviennent l’OMPI suite à la Convention de Stockholm de 1967 (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle qui siège à Genève et qui aujourd’hui est doté d’un organe de règlement des différends par voie d’arbitrage).

    Puis, après le Plan Marshall, l’Europe se dote d’un Institut International des Brevets (IIB), qui délivre le sésame communautaire afin de mieux protéger l’inventeur et la reconnaissance des inventions à l’échelle européenne. La Convention du Luxembourg sur le brevet communautaire de 1975 est complétée par le traité sur le droit des brevets du 1er juin 2000 entré en vigueur le 28 avril 2005. L’Office de l’Harmonisation du Marché Intérieur (OHMI) enregistre les marques, dessins, modèles de fabrique déposés dans l’Union Européenne.

    Enfin l’uniformisation des droits de propriété intellectuelle par l’OMC (TRIPS Agreements) a pour but de sécuriser les rentes d’innovation. En effet, certains pays comme l’Inde ne brevetaient pas les découvertes médicales notamment. Cependant les intérêts industriels sont vivement critiqués par les ONG car ils posent des barrières à la diffusion de médicaments pour les plus démunis dans les pays d’Afrique Subsaharienne et dans certains pays d’Asie.
    Ce foisonnement de droits de la propriété intellectuelle ne touche pas les industries traditionnelles comme la chimie ou la métallurgie. Il s’agit essentiellement de l’agro-industrie, l’industrie pharmaceutique, les biotechnologies, les télécommunications, l’informatique et les industries culturelles. Le NASDAQ est l’indice des valeurs technologiques en matière boursière.

    Pour conclure, on constatera qu’après d’âpres débats entre juristes, philosophes, économistes et membres de gouvernements, le droit de la propriété intellectuelle est éminemment politique, et c’est un droit hybride qui sert un double intérêt : il s’agit de trouver un équilibre afin d’enrichir l’inventeur tout en diffusant l’invention pour l’intérêt général.

    On ne pourra pas contredire le Doyen Roubier qui écrivait que la propriété intellectuelle est la fille de la liberté du commerce et de l’industrie « car c’est seulement sous un régime de concurrence économique qu’elle a pu s’épanouir et se développer ». 

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  • Cats

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    Pablo Chat-du-Haut, 27 mai 2018 © -IP.

  • Le Tintoret / 1519-1594

     Autoportrait 1547, Philadelphia Museum of Art.

     Autoportrait 1547, Philadelphia Museum of Art.

    Naissance d'un génie, 7 mars - 1er juillet 2018 Au musée du Luxembourg

    À l’occasion du 500e anniversaire de la naissance du Tintoret, le Musée du Luxembourg célèbre l’un des plus fascinants peintres de la Renaissance vénitienne. L’exposition se concentre sur les quinze premières années de sa carrière, période décisive et déterminante pour comprendre comment il se construit. Elle propose ainsi de suivre les débuts d’un jeune homme ambitieux, pétri de tradition vénitienne mais ouvert aux multiples nouveautés venues du reste de l’Italie, décidé à renouveler la peinture dans une Venise cosmopolite. Peinture religieuse ou profane, décor de plafond ou petit tableau rapidement exécuté, portrait de personnalité en vue ou d’ami proche, dessin ou esquisse. les œuvres rassemblées rendent compte de la diversité du travail de Tintoret et de sa volonté de frapper l’œil et l’esprit par son audace. L’exposition retrace en définitive l’ascension sociale d’un homme d’extraction modeste, fils de teinturier, qui, grâce à son talent, parvient à s’élever dans la société, à s’imposer et à se faire un nom sans rien oublier de ses propres origines.  

    Le Tintoret est un peintre vénitien par sa naissance mais aussi parce qu'il a exalté dans son œuvre les forces qui constituaient le fondement de la puissance de sa cité : un solide pouvoir civil et une religiosité ardente qui favorisaient les arts. Cette identification du peintre avec sa ville, avec une société qui, pendant la seconde moitié du XVIe siècle, sut conserver un profond sentiment de la liberté civile et religieuse, ne conduit pas à une limitation, mais à un approfondissement et à une caractérisation de son art.

    La critique moderne a restitué à l'artiste son visage et sa grandeur, après l'incompréhension du XVIIIe siècle et les incertitudes du siècle suivant. La sensibilité qui a créé la poétique expressionniste nous a aidés à comprendre le langage de Tintoret. Ce langage se forme au moment le plus dynamique de la culture maniériste et, bien que sensible aux voix des grands contemporains vénitiens – Titien et Véronèse –, élabore une forme d'expression très personnelle. L'artiste fait éclater l'espace, la structure plastique, et fait appel surtout à la lumière pour traduire ses visions dramatiques.

    Le séquestré de Venise

    La famille de Jacopo Robusti, dit le Tintoret, était originaire de Lucques en Toscane, mais le destin du peintre apparaît étroitement lié à la cité de la lagune. Dans les églises et les Scuole il prodigue ses peintures, enrichit de fresques joyeuses les façades des palais qui se reflètent dans les canaux, offre des dessins aux mosaïstes qui achevaient les voûtes dorées de la basilique Saint-Marc. Aucun document ne permet de préciser l'année de la naissance du peintre, mais d'après son acte de décès (31 mai 1594), qui le déclare âgé de soixante-quinze ans, on peut en déduire qu'il naquit en 1519. Cette date convient en effet, car elle concorde avec le déroulement de son activité. En 1539, dans un acte public, le peintre signait : « Mistro Giacomo depentor ». Il est certain que Tintoret fut un artiste précoce ; son père qui était teinturier (tintore) dut l'envoyer très tôt chez quelque modeste artisan. Sa petite taille lui valut le diminutif affectueux de « Tintoretto » (petit teinturier), qu'il accepta et transmit à ses héritiers. On ne possède pas de documents relatifs à la période où il fut l'élève de Titien, interrompue, si l'on se réfère aux sources, par la jalousie de son maître. L'enseigne que, selon la tradition, le peintre plaça dans son atelier, « Il disegno di Michelangelo, il colorito di Titiano » peut être considérée comme une allusion à la diversité d'intérêts culturels et figuratifs qui le stimulèrent certainement dès sa bouillante jeunesse : la culture vénitienne – éclairée vers les années trente et quarante par l'art de Titien – et la culture maniériste composite de l'Italie centrale.

    Tintoret commence à produire intensément au cours de la décennie 1540-1550, et pas seulement pour des particuliers ; en effet, en 1548, il obtient la commande d'un vaste tableau pour la Scuola di San Marco, œuvre qui, du fait de la nouveauté de son style, fut considérée comme provocatrice par le milieu conservateur des religieux qui la lui commandèrent, mais comme neuve et intéressante par des lettrés sensibles et dénués de préjugés comme l'Arétin. Doué d'une grande force de travail et impatient de réaliser les ardentes visions que lui suggère son imagination, Tintoret s'assure une grande quantité de commandes, certaines officielles, faisant toujours preuve d'un remarquable manque d'intérêt pour le gain. En 1550, il épouse Faustina Episcopi, dont il eut huit enfants. Trois d'entre eux apprirent le métier de leur père. Tintoret habitait avec sa famille au bord de la lagune, près de l'église de la Madonna dell'Orto, pour laquelle il créa des œuvres célèbres et où il fut enterré. Aucune source ancienne ne parle d'un voyage qu'il aurait fait à Rome ; c'est seulement en 1580 qu'il se rend à Mantoue, pour porter au duc la série des Fastes des Gonzague. Au cours des quinze dernières années de sa vie, il possède encore une vitalité physique et intellectuelle hors du commun et, même si ce fut avec l'aide de ses enfants et de nombreux élèves, il mena à bon terme de vastes cycles à sujets historiques et religieux. Après la disparition des autres grands protagonistes, les nouvelles générations de peintres vénitiens furent essentiellement dominées par les modes figuratifs de Tintoret, souvent réduits à de simples schémas dépouillés de la profonde imagination du maître et, surtout, ne correspondant pas à sa spiritualité complexe et anticonformiste. De cette indépendance d'esprit, d'un Tintoret batailleur et agressif font foi quantité d'épisodes rapportés par les historiographes du XVIIe siècle, Boschini et Ridolfi. Mais c'est surtout devant le problème religieux que la personnalité de Tintoret apparaît intéressante et originale. Il est profondément croyant ; ancrée dans la réalité quotidienne des couches sociales les plus modestes, sa foi est enrichie par la méditation des textes religieux. Il prend certainement part au mouvement spirituel de la Réforme catholique qui, à Venise, est marquée par la personnalité du cardinal Gaspare Contarini (1483-1542). Il manifeste aussi cette indépendance que Venise sut toujours garder à l'égard des plus hautes autorités ecclésiastiques ; cette attitude se révèle chez l'artiste dans des iconographies insolites, où il ne tient pas compte des préceptes de la politique culturelle de la Contre-Réforme.

     Un peintre maniériste

    Le caractère essentiellement vénitien du peintre (« le séquestré de Venise », comme l'appela Sartre) n'empêche cependant pas Tintoret de suivre les développements de la peinture italienne : celle-ci, à partir des centres de Florence et de Rome, exporte la nouvelle culture maniériste, aux manifestations multiformes, mais qui est marquée par une problématique spirituelle commune et par des modes figuratifs capables d'en exprimer la nature complexe et tourmentée. Si l'influence du maniérisme se fait déjà sentir à Venise avec la génération de Lotto, de Pordenone, Pâris Bordone et Schiavone, si elle constitue un épisode dans l'évolution de Titien et de Véronèse, on peut affirmer qu'elle prédomine dans la constitution du langage de Tintoret. Ce n'est pas seulement l'échange intense d'artistes entre la Vénétie et l'Italie centrale qui favorise la diffusion des idées nouvelles, mais aussi le fait que Pietro Aretino (l'Arétin) se fixe à Venise à partir de 1527. Le dialogue de Dolce sur la peinture, intitulé L'Aretino, consacre l'importance du Toscan, « Vénitien d'élection », dans le climat agité de la culture artistique de la ville. Alors que l'historiographie ancienne situait les débuts de l'activité officielle de Tintoret en 1547-1548, les études modernes donnent cette date comme étant la fin de sa période de formation. Dans la production de Madone et de Sacre Conversazioni des débuts, on note déjà combien l'artiste élabore avec une sensibilité plastique rigoureuse et un goût luministe neuf les thèmes empruntés de façon éclectique à Pordenone, Bonifacio et Schiavone. Un plafond en quatorze caissons, conservé à la Galleria Estense de Modène, constitue un jaillissement soudain, où les structures plastiques sont violentées par des mouvements et des raccourcis sur lesquels jouent des lumières crues. L'adhésion enthousiaste à une syntaxe maniériste – que Tintoret connaissait par des dessins et des gravures – confère à ces œuvres une couleur particulière : les exemples de Jules Romain à Mantoue constituèrent pour les peintres et les architectes vénitiens une source très importante d'inspiration. La construction formelle si riche, le goût des raccourcis et des perspectives, qui implique une vive sensibilité de l'espace, offrent au jeune Tintoret les moyens de réaliser un style narratif vivant, violent, qui, dans le climat vénitien de la première moitié du XVIe siècle, n'avait de précédents que chez Pordenone. C'est en ce sens que doivent être appréciées les diverses peintures de caissons illustrant des épisodes de la Bible (celles du Kunsthistorisches Museum de Vienne, que l'on peut dater de 1544-1545), l'œuvre singulière Jésus au milieu des docteurs (Museo del Duomo, Milan), lourde de significations culturelles, ou la Conversion de Saul (National Gallery of Art, Washington), où des éléments formels empruntés à Pordenone et à Schiavone, ainsi que le souvenir de la Bataille de Titien du palais ducal, sont exaspérés par une vague de mouvements qui se propagent dans l'espace. Mais des œuvres plus décoratives ne manquent pas, où les corps sont rendus avec une élégance raffinée, comme dans le plafond pour l'Arétin représentant Apollon et Marsyas (1545), ou les essais de composition de groupes échelonnés dans des salles aux architectures compliquées (différentes versions de La Femme adultère : Galleria nazionale de Rome, château de Prague, Rijksmuseum d'Amsterdam). Deux tableaux datés de 1547, destinés à l'abside de l'église San Marcuola à Venise, sont déjà un exemple, pour ce qui est de la maturité du style, de l'univers formel et expressif de l'artiste : dans La Cène (in situ), la traditionnelle iconographie horizontale s'articule en un dramatique contraste de lumières et d'ombres, que souligne le rythme mouvementé des Apôtres se pressant autour du Christ ; dans Le Lavement des pieds (à présent au Prado, une autre version signée se trouvant à la cathédrale de Newcastle-upon-Tyne), les épisodes se déroulent dans une spatialité dilatée, créée par l'architecture monumentale de Serlio. Dans ces deux tableaux, l'évocation du milieu est vigoureusement soutenue par une étude précise des personnages, humbles gens du peuple. De tels essais préparent et annoncent le chef-d'œuvre qui fit tant de bruit, Le Miracle de saint Marc libérant l'esclave (Galleria dell'Accademia, Venise). Cette toile se caractérise par la richesse des situations formelles des figures, la disposition théâtrale féconde en trouvailles, la puissance unificatrice de la lumière sur les zones de couleur qui maintiennent les tons particulièrement marqués, presque contrastants, selon un goût maniériste qui se différencie nettement de la tradition tonale inaugurée par Giorgione et renforcée par Titien. Le Saint Roch guérissant les pestiférés (église San Rocco, Venise), de 1549, présente des valeurs stylistiques analogues ; son « pendant » de 1567, Saint Roch en prison, encore plus dramatique dans ses effets de clair-obscur, suscita intérêt et admiration, même de la part de Vasari. En effet, le peintre-écrivain toscan ne pouvait manquer d'apprécier la disposition formelle dynamique, typiquement maniériste de Tintoret, dessinateur enragé de moulages de Michel-Ange et qui avait étudié les gravures de l'Italie centrale. Mais Vasari était troublé par la nouveauté de la technique de Tintoret, visant à suggérer la forme par une rapidité d'exécution qui était la négation même de la traditionnelle « application ». En fait, la prise de position de Vasari a continué de peser sur les appréciations que reçut l'œuvre de Tintoret. La critique du XVIIe siècle reprend l'éloge qu'il fait des structures du dessin qui mettent en valeur l'apport nouveau de la sensibilité luministe (M. Boschini, La Carta del navegar pitoresco, 1660). Au lendemain de l'expressionnisme, la sensibilité moderne a tiré profit de toute la puissance suggestive de l'art de Tintoret, et aussi de ses gammes de couleurs particulières, retrouvées au cours de l'œuvre de restauration. De la vaste production de Tintoret, qui n'est pas exempte de répétitions et de reprises de schémas et d'idées de composition, on n'évoquera ici que quelques œuvres très importantes qui marquent l'évolution de son style. Entre 1550 et 1555, on remarque une accentuation du « titianisme », c'est-à-dire de la tendance à emprisonner la lumière dans la couleur afin de rendre sensible le paysage (Histoires de la Genèse pour la Scuola della Trinità, à présent à la Galleria dell'Accademia) ; en résultera la Suzanne de Vienne, admirable d'équilibre entre ligne et couleur, entre couleur et lumière. Mais, déjà, dans les transparences cristallines du corps de Suzanne, on observe un rapprochement avec Caliari, un jeune peintre ayant bien plus d'affinités avec Tintoret que Titien, du fait de son expérience maniériste fondamentale, et qui, à partir de 1553, travaille au palais ducal. L'admiration de Tintoret pour la poétique de Véronèse, pour le goût des liaisons décoratives entre les figures où il se complaît à de hardis raccourcis, s'exprime dans les amples scènes aux nombreux personnages et aux foules évanescentes, telles que Moïse faisant jaillir l'eau du rocher (Städelsches Kunstinstitut, Francfort-sur-le-Main), dans des compositions lyriques, où l'arabesque des figures s'insère dans l'espace construit par graduation de couleur et de lumière, comme La Délivrance d'Arsinoé (musée de Dresde) ou Saint Georges et le dragon (National Gallery, Londres). En 1562, après plus de vingt ans, Tintoret reprend le cycle des histoires de saint Marc, réalisant avec l'épisode de l'Invention du corps de saint Marc (Brera, Milan) une page magnifique, surtout par sa spatialité et sa dialectique luministe rigoureuse et structurée.

    La maturité

    Désormais, Tintoret, dans la plénitude de sa maturité, a atteint à une telle maîtrise de ses moyens d'expression qu'il peut affronter l'exécution des deux immenses toiles du chœur de la Madonna dell'Orto : Moïse recevant les tables de la Loi (dans la partie inférieure l'artiste a représenté l'adoration du Veau d'or) et Le Jugement dernier. Ces deux œuvres révèlent une conception originale ; elles se rattachent à des motifs thématiques que le peintre rencontra au cours de ses méditations sur les textes sacrés. Une comparaison avec le Jugement que Michel-Ange composa antérieurement apparaît inévitable, mais, si l'on peut affirmer que Tintoret a bien emprunté certains motifs comme la figure « serpentinata », en revanche, l'intuition de la puissance du geste retenu, la spatialité multiple, qui attire le spectateur comme dans un tourbillon, sont fondamentalement différentes.

    Au cours de ces années débute l'entreprise extraordinaire de la décoration de la Scuola di San Rocco. Cette association laïque charitable avait été fondée pour l'assistance des malades durant les épidémies de peste ; elle devint un institut de charité au sens large, acquérant une importance sociale, et donc politique, surtout dans les moments de crises provoqués par les guerres ou les famines. Tintoret ne laissa pas échapper l'occasion d'une œuvre qui convenait si bien à son esprit religieux et à sa dévotion au saint. S'étant assuré, en offrant un Saint Roch en gloire, la réalisation du premier groupe de décoration (salle de l'Albergo, 1564-1567) représentant des scènes de la Passion dominées par la dramatique Crucifixion, il poursuivra l'exécution de cet immense ex-voto en plusieurs étapes : décoration de la salle du premier étage (1575-1581), avec des scènes de l'Ancien Testament sur le plafond et des épisodes de la vie du Christ sur les murs ; décoration, toujours sur de vastes toiles, du rez-de-chaussée, où les épisodes du Nouveau Testament se rattachent surtout à une exaltation de la Vierge (1582-1587). Le caractère essentiellement autographe de presque toute l'œuvre permet de suivre l'évolution de la fin de la maturité et de la féconde vieillesse de Jacopo. Un programme réalisé au cours des ans fait de cet ensemble un document exceptionnel sur la conception religieuse du maître, qui exalte le rôle charitable de la Scuola et la consolation qu'apporte la foi aux misères physiques et morales. Suivant les lignes directrices de la biblia pauperum, le poème biblique est narré avec une grande richesse de motifs stylistiques : les foules tumultueuses, saisies dans des attitudes désordonnées, modelées par des lumières rasantes, alternent avec des scènes solennelles de méditation ; les grands panneaux, où la foule anonyme est guidée par le sentiment de l'ensemble – que la musique contemporaine est en train de découvrir (Zarlino, Gabrieli) –, contrastent avec les petits compartiments représentant quelques figures liées par une tension structurale ; la prédominance des scènes se déroulant en plein air, dans de vastes espaces, finit par dissoudre la présence humaine, comme dans les deux petites figures de saintes méditant, où la conception luministe et la réduction chromatique aboutissent à de mystérieuses vibrations qui incitent à évoquer Rembrandt. Alors que l'atelier réalise les grands cycles célébrant les gloires de Venise au palais ducal (1577-1590) et les Fastes des Gonzague pour le duc de Mantoue (1578-1580) sous le contrôle constant du maître, l'imagination créatrice de Tintoret se déplace plus librement dans des œuvres comme La Cène de l'église San Giorgio à Venise.

    Il faut évoquer, enfin, l'abondante galerie de portraits que Tintoret a laissée et que la critique moderne a reconstituée dans son ampleur. Ce sont des visages d'hommes, de la bourgeoisie et de la noblesse vénitiennes, pour la plupart inconnus, souvent rassemblés en groupes. L'enquête psychologique du peintre est pénétrante, et parfois impitoyable ; les portraits de vieillards surtout sont admirables, où Tintoret exalte la puissance d'une force intérieure en soulignant la fragilité de l'être physique. Sa chaleur humaine, sa confiance en la capacité créatrice de l'artiste et de l'homme soutenu par la foi sont les composantes du contenu de son œuvre.

    par  Anna PALLUCCHINI in universalis

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