La recette du jour
La confiture de nouilles remonte à une époque fort lointaine; d'après les renseignements qui nous ont été communiqués par le conservateur du musée de la Tonnellerie, c’est le cuisinier de Vercingétorix qui eut, le premier, l'idée de composer ce chef d'œuvre de la gourmandise.
Avant de semer la graine de nouille, les nouilliculteurs préparent longuement le champ nouillifère pour le rendre idoine à la fécondation et versent sur toute sa surface de l'alcool de menthe dans la proportion d'un verre à bordeaux par hectare de superficie; cette opération, qui est confiée à des spécialistes de l'école de Nouilliculture, est effectuée avec un compte-gouttes.
Après cela, on laisse fermenter la terre pendant toute la durée de la nouvelle lune et, dès l'apparition du premier quartier, on procède alors aux senouilles de la graine de nouilles.
La nouille, encore à l'état brut, est alors soigneusement triée et débarrassée de ses impuretés; après un premier stade, elle est expédiée à l'usine et passée au laminouille, qui va lui donner l’aspect définitif que nous lui connaissons; le laminouille est une machine extrêmement perfectionnée, qui marche au guignolet-cassis et qui peut débiter jusqu'à 90 kilomètres de nouilles à l'heure; à la sortie du laminouille, la nouille est automatiquement passée au vernis cellulosique, qui la rend imperméable et souple; elle est ensuite hachée menu à la hache d'abordage et râpée. Après le râpage, la nouille est alors mise en bouteille, opération très délicate qui demande énormément d'attention; on met ensuite les bouteilles dans un appareil appelé électronouille, dans lequel passe un courant de 210 volts; après un séjour de douze heures dans cet appareil, les bouteilles sont sorties et on vide la nouille désormais électrifiée dans un récipient placé lui-même sur un réchaud à haute tension.
On verse alors dans ledit récipient du sel, du sucre, du poivre de Cayenne, du gingembre, de la cannelle, de l'huile, de la pomme de terre pilée, un flacon de magnésie bismurée, du riz, des carottes, des peaux de saucisson, des tomates, du vin blanc et des piments rouges; on mélange lentement ces 7 ingrédients avec la nouille à l'aide d'une cuillère à pot et on laisse mitonner à petit feu pendant vingt et un jours. La confiture de nouilles est alors virtuellement terminée. Lorsque les vingt et un jours sont écoulés, que la cuisson est parvenue à son point culminant et définitif, on place le récipient dans un placard, afin que la confiture se solidifie et devienne gélatineuse ; quand elle est complètement refroidie, on soulève le récipient très délicatement, avec d'infinies précautions et le maximum de prudence, et on balance le tout par la fenêtre parce que ce n'est pas bon.
Voilà, mesdames et messieurs, l’histoire de la confiture de nouilles; c'est une industrie dont la prospérité s'accroît d'année en année; elle fait vivre des milliers d'artisans, des ingénieurs, des chimistes, des huissiers et des fabricants de lunettes. Sa réputation est universelle, et, en bonne ambassadrice, elle va porter dans les plus lointaines contrées de l'univers, par-delà les mers océanes, le bon renom de notre industrie républicaine, une et indivisible et démocratique. #PierreDac