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Maurizio Cattelan

Maurizio Cattelan,

Maurizio Cattelan / Pierpaolo Ferrari

Artiste-phare, émerge au début des années 1990. Héritier de l'esprit satirique italien et dans la grande tradition duchampienne, l’artiste puise à la source de la réalité, cette réalité qui est jugée en elle-même provocante.
Dans un esprit iconoclaste et subversif, le travail de Maurizio Cattelan confronte les malaises et les fractures de la société aux mécanismes de la fiction en proposant de nouveaux territoires de liberté.

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En 2011 il annonce qu'il va certainement prendre sa retraite 

«Je ne dis pas que désormais je ne ferai plus rien du tout, seulement, ce sera différent. C'est inévitable. Aujourd'hui, je veux juste avoir la possibilité de renégocier ma place dans le monde de l'art, dans la société.»

Vivants de petits boulots, il commence à travailler au début des années 1980 à Milan dans le domaine du design. Il fait alors éditer un catalogue de ses réalisations qu'il envoie par mails aux galeries en un millier d'exemplaires. Cette action auto-promotionnelle lui permet de faire une percée dans le milieu du design et de l'art contemporain.

En 2004, on lui demande de décrire son style de création et l'artiste répond : "flemmard". Cette réponse correspond assez bien à son œuvre, caractérisée par l'humour noir et la subversion. Son sens de l'humour grinçant est ce qui définit le mieux son style, un talent dont il se sert pour brocarder l'institution, que ce soit dans la religion, le football, la politique, le monde de l'art ou l'Histoire. Sa modestie est sans égal puisqu'elle se joue à l'extrême.

En 1995, pour son exposition à la galerie Emmanuel Perrotin, Cattelan travailla avec un dessinateur afin de créer un costume qui pourrait révéler la véritable nature de son galeriste, un célèbre coureur de jupons. Il demande alors à ce galeriste parisien de se déguiser pendant les cinq semaines de son exposition en lapin rose phallique répondant au nom d'Errotin le vrai lapin. Cette oeuvre était censée évoquer le caractère de don Juan du galeriste, mais Maurizio Cattelan critique aussi explicitement et avec cynisme le processus du marché de l'art, l'institution de la galerie. Maurizio Cattelan n'épargne rien ni personne dans sa volonté de provoquer les spectateurs, d'attaquer leurs opinions et leurs perceptions.

Entre 1995 et 1996 il s'amuse à pervertir l'esthétique picturale d'un artiste conceptuel comme Lucio Fontana par une série de toiles monochromes qu'il entaille d'un Z, tel un Zorro : les Z pantins.

En 1996, il cambriola la Blonn gallery à Amsterdam pour présenter le butin le lendemain comme contribution à l'exposition au centre d'art d'Appel, située à proximité. Il le nomma Another fucking ready-made, faisant une référence explicite au travail de Duchamp.

En 1998, pour le MoMA de New-York, il embauche un acteur masqué et déguisé en une version BD ou dessin animé de Pablo Picasso à l'entrée de l'exposition pour accueillir les visiteurs. Cattelan nous propose ainsi une parodie osée, où l'idée est de transposer une icône de l'Art Moderne en icône de la culture populaire.

En 1999 toujours, pour se venger de la revente de La Nona Ora par son collectionneur, il montre son mécontentement en scotchant ni plus ni moins son galeriste de Milan (Massimo de Carlo) au mur afin qu'il se vende lui-même, le recouvrant presque entièrement de ruban adhésif, comme une grotesque mais non moindre saisissante crucifixion. L'installation se nommera A Perfect Day. Cette pièce n'exista que pendant les deux heures du vernissage. Bien amusant pour les participants de l'événement, la situation a pris une tournure plus grave plus tard dans la nuit quand De Carlo a été transporté à l'hôpital après avoir souffert d'un manque d'oxygène.

Dans ces œuvres, les galeristes, dont le rôle habituel est de promouvoir l'artiste et vendre son art, incarnent ici l'intervention. En mettant ses concessionnaires en situation gênante et humiliante, Cattelan a également modifié la dynamique du pouvoir entre le galeriste et l'artiste.

Pour lui il n'y a pas de sujet tabou.

En 2001, il réalise Him, où il représente Hitler en train de prier à genoux, une "humanisation" qui déclenche forcément la critique vive. Adolf Hitler est représenté d'une façon très réaliste et naturelle, sans le diaboliser. C'est la représentation du mal. Cattelan voulait traiter la question du mal absolu. Lorsque l'on rentre dans la salle où il est exposé, on voit d'abord un enfant de dos, agenouillé, dans une position de prière. Mais de face, il porte la moustache d'Hitler. Il s'agit de Hitler enfant. C'est un peu la figure du mal qui est en chacun de nous. L'enfant symbolise aussi la transmission. C'est un thème récurrent dans son travail. Ces traces d'enfance réveillent l'enfant qui sommeille en nous.

Avec Untitled en 2001, c'est une sculpture en autoportrait que l'artiste nous propose. Un homme à l'effigie de Cattelan entre par effraction dans la salle du musée. Cette oeuvre a un caractère autobiographique. Elle montre son désir d'entrer dans le monde l'art, et le représente spectateur du monde, de la vie, avec sa difficulté à trouver sa place. Comme souvent il touche des expériences communes - la solitude, l'amour, l'échec, la mort - qui permettent l'identification. Le trou dans ce sol suscite une entrée par effraction, le voleur gagnant, non sans violence, un passage lui permettant d’atteindre l’objet de sa passion criminelle. Plus littéraire que d’habitude, Cattelan a usé de ses moyens pour désacraliser l’entité du musée. L’architecture est rompue par un assaut à une institution qui devient une déclaration d’intention. Le regard furtif et prudent de la figure n’est autre que la métaphore que Cattelan attribue à sa vision de l’art contemporain. L’artiste choisit de se représenter en une position illicite, en pénétrant en tant qu’intrus dans l’antre sacrée d’un musée d’art et d’histoire. De cette façon, sa pratique artistique est révélée en tant que forme aggravée de cambriolage du système canonique qui nous est imposé et dans lequel nous vivons.

Cattelan aime le tragique, le drôle, mais surtout la provocation.

Il veut marquer les esprits, à tel point que des accidents se sont déjà produits ; à Milan en 2004, sur la place du 24 Mai, il avait suspendu trois mannequins d'enfants à un chêne. Un homme outré s'est fendu le crâne en voulant décrocher ces sculptures. L'oeuvre a été retirée mais l'incident a largement été popularisé par les journaux télévisés et continue d'exister à travers les documents d'actualité de l'époque.

En 2011, le musée Guggenheim lui offre une rétrospective, intitulée All, qui regroupe les plus célèbres œuvres de l'artiste.

Son galeriste parisien Emmanuel Perrotin dit de lui :

«Il est dans la retenue, toujours angoissé à 'idée de produire une nouvelle oeuvre. Plus il avançait, plus ça devenait douloureux. Il avait peur que sa nouvelle pièce ne soit pas au niveau des autres. Alors qu'à chaque fois elles ont été plébiscitées et que, depuis dix ans, il est reconnu par les plus grands conservateurs. S'il annonce un moment d'arrêt, c'est parce qu'il préfère provoquer plutôt que subir. Pour lui, c'est un soulagement. Ce n'est pas un truc de com. Il a apporté un souci de la mise en scène, de la maîtrise totale de la présentation de l'oeuvre d'art. Non seulement il collectionne, mais il encourage aussi, - et pas de façon publique - les artistes. Il est unique dans le milieu de l'art.»

Cattelan manie avec brio l'usurpation, la dérision, la réappropriation. On ne sait jamais s'il dit vrai. Ses coups d'éclats lui servent de boucliers et ses pitreries de barricades. La communication n'est pas son fort. Une année, il a piégé une journaliste du New York Times en envoyant une doublure à sa place. «J'étais timide à l'époque. Je me sentais stressé de voir des gens. J'avais l'impression de devenir une cible médiatique.»


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