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les Shadoks

En avril 68, de drôles de bêbêtes débarquent dans le poste de télévision : les Shadoks, une création de Jacques Rouxel interloquent les téléspectateurs. Méfiant de prime abord, le critique de “Télérama” finit par s’enthousiasmer.
 
Au début, désorientés par les Shadoks, de très nombreux téléspectateurs méfiants ont murmuré : « Ce n'est pas fait pour nous : on n'y comprend rien ! ». Comme si méfiants ou pas, on comprenait grand-chose à grand-chose ! Et puis, à force de ne pas comprendre, beaucoup ont deviné qu’il n’y avait peut-être rien à comprendre ! Il n’y a rien à comprendre dans les Shadoks. c'est ça qui est merveilleux ! Mais bien sûr, il faut le temps de comprendre qu'il n'y a rien à comprendre, qu’il n’y a qu’à regarder l’aventure loufoque, cocasse et pleine d'humour des Shadoks et des Gibis. Et puis c’est tout !
 
J'étais comme vous lorsque je vis les premières émissions : je me fatiguais la nénette, me disant : y a-t-il, oui ou non, une allusion aux blocs qui se partagent le monde ? aux champs de pétrole qu'on se dispute ? au destin des fusées ? Y a-t-il, oui ou non, de subtiles allusions politiques ? Et – voyez comme on peut couper les cheveux en rondelles ! – ce dessin est-il pro ou anti-Amerlok, pro ou anti-U.R.S.S. et, sait-on jamais ? UNR, socialiste ou gauchiste ? Le mieux était de poser la question à l'inventeur des Shadoks, Jacques Rouxel. Certains ont voulu voir je ne sais quoi dans mes Shadoks : il n'y a rien ! C'est gratuit ! Aucune idéologie, aucune critique de la civilisation… ou de la création ! Chaque téléspectateur peut évidemment y trouver ou y mettre ce qu’il veut. J’ai voulu simplement faire un dessin animé – et c’était le premier – pour la télévision. Et j’ai cherché – selon la formule de tous les dessins animés – que quelque chose poursuive quelque chose et qu’il y ait des bons et des méchants. Un point c’est tout !
 
Non : pas un point c'est tout ! reprend malicieusement Rouxel. Il a a tout de même dans ces dessins la critique de la bêtise et des imbéciles... Mais c'est venu de surcroît ! En inventant les Shadoks, j’ai voulu oublier la logique conventionnelle et manœuvrer avec une autre logique... Si ça pouvait servir de gymnastique hygiénique aux téléspectateur et leur dépoussiérer le cerveau !
– Ils n'ont pas compris ça tout de suite ?
– Rien d'étonnant. M. Contamine ne l’avait pas compris non plus. Claude Piéplu [narrateur des Shadoks] vous l'a raconté : c'est M. Biasini [directeur de la Télévision au sein de l'ORTF] en voyant quelques-unes de nos bandes qui a dit : “Faites-m'en cinquante !” Et, au Service de la Recherche, André Voisin nous a dit : “Faites-nous un feuilleton.”
En effet, à l'origine, nos bandes étaient des histoires fermées. chacune formant un tout. C'est devenu une odyssée.
– Et les téléspectateurs ?
– Au début, si nous en croyons le courrier que nous recevions, 70 % étaient violemment contre, croyant qu'on voulait les abêtir et nous traitaient de tous les noms ! C'en était inquiétant ! Un jour, au Télé-Service, on a fait état d'une de ces lettres incendiaires et on a ajouté : et vous, que pensez-vous des Shadoks ? On a reçu un millier de lettres, moitié contre, moitié pour. Pardon : moitié pour, moitié contre ! Ça devenait encourageant ! Actuellement, la cote des Shadoks remonte toujours : 70 % des téléspectateurs sont pour…
– Ils sont capables d'en redemander lorsque ce sera fini, le 10 novembre...
– Et bien, si le feu vert nous est donné, on leur en redonnera ! Ça pourrait recommencer en janvier.

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L'équipe des Shadoks

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Télérama 1968

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